Portrait : Eva Joly, une force tranquille à l’épreuve de 2012
Eva Joly est un mythe en devenir. Son personnage atypique, à la fois stricte et progressiste, bouscule le paysage politique français. Du poste de juge d’instruction à celui de députée européenne (sous étiquette Europe Ecologie), elle n’a pas fini de surprendre : cette force tranquille pourrait bien continuer à asseoir l’écologie politique dans l’Hexagone… Eva Joly présidente ? Portrait d’une insoumise…
Eva Joly veut aller aux présidentielles de 2012. Mais pas sans le soutien des militants écolos : l'eurodéputée souhaite qu'il y ait des « primaires de l'écologie », a-t-elle déclaré lors des Journées d'été des Verts et d'Europe Ecologie, à Nantes (19 au 21 août)
« Oui, l’élection présidentielle m’intéresse, c’est clair ». La déclaration d’Eva Joly, le 15 août dernier, a fait l’effet d’une bombe. Et pour cause, la détermination de cette sexagénaire franco-norvégienne, connue de tous, est redoutée par ses adversaires...
Les écologistes, de plus en plus enthousiasmés par cette potentielle candidature, ne s’y sont pas trompés : Eva Joly, derrière sa blondeur candide, est une vraie compétitrice. A la fois douce et pugnace, éthique et redoutable. Ce petit brin de femme a su fédérer un mouvement écologiste souvent indiscipliné et mettre au pas les plus récalcitrants. A commencer par Jean-Vincent Placé, numéro deux des Verts : la forte tête du parti n’avait-il pas déclaré, il y a quelques mois, préférer la candidature d’ « une jeune dynamique » (Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, ndlr) à celle d’une « vieille éthique », reléguant l’eurodéputée au rang d’antiquité ? Aujourd’hui, changement de discours : la potentielle candidature d’Eva est devenue une bonne nouvelle…
La bataille n’était pourtant pas gagnée d’avance. Ses détracteurs l’ont souvent taxé d’opportuniste, et de fausse convaincue. Pas de quoi démonter cette battante. Elle rappelle à qui fait mine de l’oublier qu’elle n’est pas Norvégienne pour rien : « J’ai grandi avec le souci de préserver l’environnement, qui est très prégnant en Norvège ! ». Quant aux accusations de ne pas être « assez de gauche », la réponse est encore plus simple : « J’ai toujours été de gauche. Or, les nouveaux combats de la gauche sont la juste répartition des ressources entre le Nord et le Sud, la lutte contre la financiarisation à outrance de l’économie et les paradis fiscaux ». Justement les thèmes de prédilection de Mme Joly…
La femme qui défie les puissants
Eva Joly fait figure « d’objet politique non identifié » qui n’a tout bonnement peur de rien. Avant de se confronter aux suffrages (elle est élue députée européenne en juin 2009), elle était surtout connue pour traquer les politiciens corrompus. Nommée en 1990 juge d’instruction rattachée au Palais de Justice de Paris, elle s’était illustrée en instruisant de gros dossiers politico-financiers : affaires Elf, Dumas-Deviers-Joncours,Tapie. Quelques illustres têtes tombèrent : en 1996, Loick Le Floch-Prigent, ancien PDG d’Elf, est incarcéré. Roland Dumas, alors président du Conseil Constitutionnel, est mis en examen deux ans plus tard… Une efficacité qui a fait d’elle l’ennemie publique numéro 1 des puissants : « Eva Joly, c’est une abrutie complète, connue comme telle, une malade », selon… Bernard Tapie !
Plus récemment, Eric Woerth et Nicolas Sarkozy ont pu goûter à l’inflexibilité de cette Norvégienne. Elle fût en effet la première à réclamer la démission du ministre du Travail, soupçonné de conflit d’intérêt et de financement illégal dans l’affaire Bettencourt. Du pain béni pour cette ancienne juge ! Elle s’en est ensuite prise à Nicolas Sarkozy, fin juillet, l’accusant de pratiquer un « racisme d’Etat ». Le chef de l’Etat avait lié immigration et délinquance dans un discours prononcé à Grenoble. Première confrontation Joly/Sarkozy : 1-0.
Caméléon
Mais Eva Joly fait surtout peur parce qu’elle est une véritable femme-caméléon. Or le problème avec ce reptile, c’est que l’on ne sait jamais où on va le retrouver… A la présidentielle ?
Née en 1943 dans la banlieue populaire d’Oslo, la députée européenne n’a pas suivi le parcours classique des élites françaises. Tour à tour jeune fille au pair, secrétaire d’Eddie Barclay, styliste de mode puis juge d’instruction, cette femme inscrit dans sa vie sa soif d’indépendance et de liberté. « J’ai toujours eu peur du moment où le réel vous assigne votre place : vous êtes la bonne, vous êtes l’épouse, vous êtes la mère, vous êtes la secrétaire, une juge mais docile s’il vous plaît. Vous avez l’âge de la retraite. Non, j’ai toujours bousculé cet ordre-là ». Il n’y a pas de limite pour qui refuse de se laisser enfermer dans une catégorie… A suivre en 2012 !