Signataire du Protocole de Kyoto en 1997, aujourd’hui seul outil juridique contraignant de réduction des émissions de gaz à effet de serre (entré en vigueur en 2005), le Canada avait un objectif : -6 % de rejets carboniques d’ici 2012 par rapport au niveau de 1990. Problème : ces derniers, au lieu de baisser, ont augmenté. Alors le ministre canadien de l’Environnement, Peter Kent, a fait part d’une décision radicale : la sortie officielle du pays du Protocole.
Laissez un commentaire :
Votre commentaire (min. 40 caractères)
Dénonçant une « erreur » du gouvernement libéral qui s’était engagé dans le processus, les conservateurs au pouvoir rejettent donc leurs obligations et font ainsi du Canada le premier Etat à quitter Kyoto. Selon eux, le retard dans les objectifs aurait entraîné des pénalités d’environ 14 milliards de dollars. Et d’ajouter que ce traité ne concernant pas les deux plus grands pays émetteurs, à savoir les Etats-Unis et la Chine, il « ne peut pas fonctionner ». Il « n’est pas une voie vers une solution globale au changement climatique, c’est plutôt un obstacle », a même déclaré M. Kent.
Le Canada compte plutôt sur le « Durban package »
Pour le Canada, l’accord trouvé lors de la Conférence de Durban, appelé « Durban package » (une feuille de route prévoyant un traité de réduction des émissions pour tous les pays du monde qui devrait être signé en 2015 pour une application à partir de 2020), c’est la véritable solution : « Nous croyons qu'un nouvel accord avec des contraintes juridiques pour tous les grands émetteurs qui nous permet, en tant que pays, de créer des emplois et d'avoir une croissance économique est la voie permettant d'avancer », a précisé le ministre canadien.
Consternation de l’opposition canadienne
« Qui va croire encore que nous sommes un pays digne de confiance ? », a aussitôt réagi Elizabeth May, la dirigeante des Verts canadiens. Selon elle, le chiffre de 14 milliards de dollars de pénalités annoncé par le gouvernement est par ailleurs « un grand mensonge ». Ce que confirme Stéphane Dion, ancien ministre de l’Environnement du Parti Libéral : « C'est une blague totale ! Un pays qui manque sa cible n'a aucune pénalité financière sous Kyoto. Il doit simplement renégocier une cible en conséquence. C'est ce que prévoit le protocole »…
Autres réactions : celles du Parti néo-démocrate et de plusieurs ONG, qui voient dans cette décision un permis de polluer pour les exploitants des sables bitumineux de l’Ouest du Canada. « Notre gouvernement préfère penser à court terme et subventionner largement l'industrie pétrolière des sables bitumineux à hauteur de plus d'un milliard de dollars par année », a fustigé Steven Guilbeault, coordonnateur général adjoint d'Equiterre, une association écologiste québécoise.
Critiques à l’étranger
Plusieurs pays ont également exprimé leur inquiétude et leur désaccord avec le choix du Canada. Entre autres, la France, qui estime qu’il s’agit d’« une mauvaise nouvelle pour la lutte contre le changement climatique ». La Chine a de son côté jugé une orientation « regrettable » qui « va à l'encontre des efforts de la communauté internationale ».
A l’Onu, on rappelle qu’Ottawa est toujours tenu d’agir contre le réchauffement climatique : « Que le Canada fasse ou non partie du Protocole de Kyoto, aux termes de la Convention-cadre des Nations unies (mise en place par le sommet de Rio en 1992, ndlr), il a une obligation légale de réduire ses émissions et une obligation morale, vis-à-vis de lui-même et des générations à venir, de jouer un rôle de leader dans l'effort global », a indiqué Christiana Figueres, chef de cette Convention. « Je regrette que le Canada ait annoncé son retrait et je suis surprise par la date choisie », a-t-elle en outre ajouté.
Quelles conséquences ?
Le Canada n’est responsable que de 2 % des émissions de gaz à effet de serre globales. Son retrait de Kyoto n’est donc pas une catastrophe pour le réchauffement climatique. Mais elles tombent très mal à l’heure où plusieurs Etats jusqu’ici frileux à tout accord international sur la question, à l’instar des Etats-Unis et de certains pays émergents, ont fait des efforts à Durban. Il ne faudrait pas freiner l’élan.
Plus inquiétant : la désormais absence de contraintes, en termes d’émissions de CO2, pour les industriels exploitant les sables bitumineux. Or l’extraction de ces hydrocarbures, polluant largement l’eau et le sol de toute une région et menaçant sérieusement la forêt boréale (5 millions de km2), compte pour un quart dans la hausse des rejets gazeux canadiens…